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La mobilité fiscale en Suisse : ce qu'il faut savoir

Les changements de domicile fiscaux pourraient constituer un moyen efficace de réduire une charge fiscale trop importante.

Avant de s’attarder sur ces changements de domicile, il faut définir le principe d’interdiction de la double imposition.  La « double imposition » est plurielle et appelle une distinction nécessaire.

La double imposition juridique se produit lorsqu'un même contribuable est

  • imposé deux fois sur le même revenu ou,
  • que le même patrimoine est imposé par deux cantons.

Cette situation survient fréquemment dans un contexte international ou intercantonal.
Au niveau intercantonal, cette pratique est formellement interdite.

 

La double imposition économique concerne l'imposition d’un même revenu plusieurs fois. Le cas typique est celui de l'imposition des bénéfices d'une société, qui sont d'abord taxés au niveau de l'entreprise, puis à nouveau lors de la distribution des dividendes aux actionnaires. Cette deuxième double imposition n’est pas formellement interdite. En effet une telle imposition est considérée comme nécessaire dans divers domaines comme en droit des sociétés. 

Dans le cadre de cet article, nous traiterons exclusivement la question de la double imposition juridique.

La question du changement de domicile, peut sembler anodine, mais est en réalité plus épineuse qu’il n’y paraît.

Il conviendrait de s’y attarder en présentant les principes (1) et quelques situations particulières (2).

 

1.Le principe de la domiciliation unique pour le contribuable personne physique,

 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, malgré l’existence de 26 cantons en Suisse, il n’est pas véritablement possible de choisir, à proprement parler, son domicile, la qualification de domiciliation relève du principe de souveraineté fiscale dont sont dotés les cantons.

En effet, la domiciliation des contribuables ne dépend pas de leur bon vouloir mais bien de critères objectifs déterminés par les cantons.

Malgré cette souveraineté fiscale, la Constitution offre à la Confédération la possibilité de prendre des mesures nécessaires pour éviter des mécanismes de double imposition.

Les cantons suisses se livrent une saine concurrence fiscale, en ce que certains seront plus attractifs fiscalement que d’autres, mais un système de péréquation permet de compenser les trop grands écarts de recettes fiscales.

Il pourrait être tentant pour un contribuable de s’imaginer faire ce que l’on appelle du forum shopping intercantonal.

Le forum shopping consiste à choisir une juridiction, en l’occurrence fiscale, comme l’on entrerait dans une boutique pour y faire ses emplettes, et plus prosaïquement, il s’agit d’une pratique au départ en droit international, transposable, selon nous, à la Suisse du fait de ses disparités en matière d’imposition.

Ici, il s’agirait, en somme, de choisir le canton le plus favorable fiscalement à ses intérêts.

 

2. Les situations particulières de domiciliation en Suisse

En Suisse, une personne physique ne peut avoir qu’un seul domicile mais il peut arriver que  d’autres considérations la mènent vers un autre canton, il s’agira par exemple de raisons :

  • Familiales,
  • Patrimoniales (possession d’immeuble, résidence secondaire…)

Ces truchements créent des relations économiques particulières avec un autre canton que celui du lieu de son domicile.

La constitution suisse en son article 127 al 3 Cst., interdit la double imposition entre les cantons, un parallèle peut être fait avec la convention fiscale franco-suisse de 1966 qui tend à éviter les situations de double imposition.

En cas d’incertitudes sur le lieu de résidence, l’administration fiscale tranchera.

 

Les principes étant posés, il faut se demander comment s’assurer que son changement de résidence cantonale sera reconnu avec certitude par l’administration.

Les mobilités sont tout à fait possibles mais à condition de respecter certaines conditions et de répondre à des réalités.

Le déménagement dans un autre canton doit correspondre à certaines règles et surtout intervenir avant le 31 décembre, car l’année civile est la période fiscale de référence pour les personnes physiques. En outre, le 31 décembre sera la période déterminante pour l’ensemble de la période fiscale pour les personnes physiques.

Il semblerait alors simple de déplacer son domicile fiscal au sein d’un autre canton avant la fin de l’année fiscale.

Il faut tout de même faire très attention à ce genre de pratiques, car pour l’administration fiscale il ne suffit pas d’avoir rompu les liens avec son domicile actuel, donc la question du moment auquel le contribuable quitte son domicile ne sera pas pertinente.

L’adminstration tiendra compte du fait qu’un nouveau domicile, au sens fiscal, devra avoir été constitué.

Un domicile au sens fiscal suisse est l’endroit où se situe le intérêts personnels et vitaux du contribuable.

L’administration fiscale se basera sur des indices tels que le lieu du logement, la participation à la vie associative dans une commune donnée… et non pas sur la déclaration fiscale déposée par le contribuable dans le canton dans lequel il pense devoir être imposé.

Il convient de préciser que dans une multitude de situations la détermination de la résidence n’est pas si aisée et nécessitera une analyse concrète de la situation du contribuable, tel sera le cas :

  • Des cadres dirigeants travaillant dans un canton et rentrant au domicile familial le week-end ;
  • Des couples mariés travaillant dans un canton et rentrant vivre dans un autre ;
  • Des travailleurs saisonniers ;
  • Des pendulaires…

Il sera crucial de respecter les principes posés par cette matière pour éviter une contestation totale du domicile par les autorités fiscales concernées…

 

 

Me Carmen Kiavila - Avocate au barreau de Berne et aux barreaux de Paris.

Je remercie Madame Kenza Laraki pour son aide précieuse dans la rédaction de cet article.

 

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