Notre regard sur ...
Les mobilités en Suisse alémanique
Au cœur d’enjeux colossaux, qu’ils soient politiques, économiques, sociétaux et environnementaux, la mobilité occupe une place à part dans la vie des suisses et encore plus en Suisse alémanique.
Le rejet par vote, fin novembre dernier, de travaux d’aménagements sur les autoroutes helvétiques a mis en lumière plusieurs enjeux et défis non pas seulement liés à la mobilité automobile mais aux mobilités. La Suisse alémanique représente près de 70% de la population suisse et pèse pour plus de 70% du PIB suisse. Depuis les années 1970, la Suisse alémanique a connu plusieurs améliorations significatives en matière de mobilité, qu'il s'agisse des transports publics, de l'infrastructure routière ou des politiques de transport durable. La mobilité en Suisse alémanique, fait face, aujourd’hui, à plusieurs défis et opportunités en raison de la densité de sa population et de sa croissance, de son économie développée et des infrastructures de transport particulières à cette région. L'histoire de la mobilité en Suisse alémanique depuis la crise pétrolière des années 1970 est marquée par plusieurs évolutions majeures, tant sur le plan de l'infrastructure que des politiques de transport. Après le choc pétrolier, des politiques ont été mises en place pour encourager l'utilisation des transports publics et réduire l'usage de la voiture individuelle. Durant les années 1980-1990, le développement des transports publics a été soutenu par les autorités cantonales et fédérales, avec une attention particulière portée à la modernisation des transports urbains et l’extension du réseau ferroviaire.
Le programme « RAIL 2000 », qui avait été approuvé en votation populaire en 1987 a posé les bases de la réussite à long terme du système ferroviaire en Suisse. La précision et la fiabilité, des qualités devenues synonymes des transports publics suisses ont été ainsi des piliers du succès du système ferroviaire en Suisse alémanique. Cette réussite s’appuie sur une gestion rigoureuse des infrastructures, une planification minutieuse des horaires basée sur un système de cadencement performant, et des investissements constants pour moderniser les équipements. Les coûts s’élevaient à 5,4 milliards de francs. Le résultat a été au rendez-vous comme l’atteste la hausse de 30% de la fréquentation ferroviaire entre 1996 et 2005, et avec près de 93% des trains arrivant à l’heure encore en 2023 ; cette ponctualité exceptionnelle a su bâtir une relation de confiance durable entre opérateur et usagers. Parallèlement, la proximité avec les clients reste une priorité. Les gares ne sont pas de simples points de transit : elles sont conçues comme des espaces de vie et de services, mêlant mobilité, commerce, culture et convivialité, comme le témoigne la gare centrale de Zurich.
Un modèle de succès ferroviaire soutenu par le peuple
Des projets comme la construction du Réseau express régional (RER) à Zurich, qui relie les périphéries urbaines au centre-ville, sont d’autres exemples importants de cette expansion ferroviaire. Le métro de Zurich, est, lui, un système de transport en commun qui couvre la ville et ses environs, comprenant des trains, des trams et des bus. La première étape du RER zurichois a coûté presque un milliard de francs, une somme avancée en grande partie par le canton. Le oui du peuple dans les urnes pour son extension a ensuite permis de faire pression sur Berne pour que la Confédération finance le solde, une méthode gagnante qui s'est répétée plusieurs fois à Zurich.
Mobilité et croissance : Zurich et Bâle en plein essor
Point important, l'amélioration constante de l’accessibilité et des mobilités a toujours influencé l’évolution démographique et l'évolution des emplois. Pour preuve, la ville de Zurich forte de 420'000 habitants va en gagner plus de 100'000 d’ici 2040 (+25%) pour 40'000 nouvelles places de travail et a annoncé, début 2024, plus de 2,5 milliards de francs d’investissement dans les transports publics pour relever le défi de cette croissance humaine et économique. Cela alors même que la ville s’est radicalement transformée en 20 ans et qui compte plus d’emplois que de personnes résidentes ! La métropole zurichoise compte, elle, plus de 1,5 millions d’habitants. A titre de comparaison, le canton de Bâle est fort de 450'000 habitants. Selon les prévisions officielles, la population de la région métropolitaine trinationale de la Suisse du Nord-Ouest, du Sud du Baden-Wurtemberg et de l'Alsace augmentera de 138 000 habitants d'ici 2040. Avec ces perspectives, la région métropolitaine de Bâle constituera également un moteur économique pour la Suisse, l'Allemagne et la France.
Transports durables
La Suisse alémanique a fortement encouragé l'intermodalité, c'est-à-dire la possibilité de passer d'un mode de transport à l'autre facilement. Par exemple, les stations de train sont souvent directement connectées à des réseaux de tramways ou de bus, ce qui permet une transition fluide pour les usagers. Cela se vérifie pour tous les utilisateurs arrivant en train à Bâle, Zurich ou encore Berne. L’interconnexion entre les trains, les trams, les bus et les réseaux de car postaux, qui ont accueillis 175 millions de voyageurs en 2023, sont un des atouts indéniables pour les usagers : touristes, pendulaires et résidents des zones périphériques rurales ou péri-urbaines, en Suisse. L’offre de transports dépasse de loin les villes seules et les zones périurbaines et témoigne de la capillarité et la complémentarité du réseau des transports, prolongés jusque dans les campagnes via l’offre unique de Car Postal. Se pose alors la question de la place de la voiture dans ces environnements urbains denses et les défis liés aux déplacements intercantonaux et transfrontaliers. Les routes nationales suisses ont pourtant absorbé une croissance de trafic de plus de 130% depuis les années 1990. Aujourd’hui, 75% des déplacements se font toujours par la route, 13% par le rail. Le Conseil fédéral veut amener ce dernier taux à 19%. Les autorités ont mis, de plus, en place des mesures pour limiter la circulation automobile dans les centres urbains, comme des zones piétonnes et des politiques de "villes sans voiture" pour encourager l'utilisation des transports en commun, du vélo et de la marche à pied.
Smart cities et mobilité intelligente
Dès les années 2010, les villes de Suisse alémanique, comme Zürich, ont fait d'importants progrès dans l'utilisation de technologies intelligentes pour améliorer la gestion de la circulation et de la mobilité. Les systèmes de gestion du trafic, l'intégration des transports publics dans des applications mobiles et la planification de la mobilité multimodale sont devenus des priorités pour rendre la mobilité urbaine plus fluide. La Suisse alémanique poursuit ses efforts pour atteindre zéro émission nette d'ici 2050, ce qui inclut un passage plus rapide aux technologies alternatives dans les transports publics et privés, ainsi qu’un développement plus poussé des infrastructures pour les véhicules électriques moins polluants et moins sonores. A l’heure des nouveaux enjeux sociétaux et environnementaux, les perspectives pour la mobilité en Suisse alémanique représentent donc d’énormes opportunités quand bien même l’offre déjà existante pourrait laisser croire que l’essentiel a été mis en place ces 50 dernières années. A ce sujet, différentes options et solutions sont envisagées pour répondre à la demande croissante des usagers et des collectivités publiques en matière de transports et de mobilités. Les trains à deux étages (Duplex IR) ont d’abord sillonné la région zurichoise et le plateau suisse avant la Suisse romande. L’allongement des quais de trains pour accueillir des compositions plus longues, l’amélioration de la connectivité des aéroports, celui de Bâle Mulhouse par exemple, avec le réseau ferroviaire national et international, sont d’autres exemples.
Au vu de la demande croissante et du rôle stratégique du RER bâlois pour le développement des transports et de l’urbanisation à cheval sur la Suisse, l’Allemagne et la France, l’offre du RER va être considérablement élargie avec plus de fréquences, des liaisons plus directes, plus rapides, avec des nouvelles haltes aux endroits à forte demande. Son coût est estimé à 4,5 milliards de francs suisses. L’enjeu est d’être à la hauteur de l’une des zones économiques d’Europe les plus dynamiques et plus globalement de répondre aux besoins d’une Suisse à bientôt 10 millions d’habitants. La mobilité en Suisse alémanique est une véritable success story, bâtie sur des décennies d’investissement, une volonté politique forte, et un système centré sur les besoins des usagers. Mais il faut entretenir cette success story car les défis ne manquent pas : la gestion d'une croissance démographique et économique soutenue, l'intégration de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle ou les véhicules autonomes, ainsi que l'adaptation aux impératifs environnementaux, exigeront une innovation et une adaptation constantes. A ce titre la bonne collaboration académique, scientifique, technologique et économique avec les voisins est essentielle, France en tête naturellement !
Points clés à retenir
- La Suisse alémanique représente près de 70% de la population suisse et pèse pour plus de 70% du PIB suisse
- 93% taux de ponctualité des trains suisses en 2023
- Aujourd’hui, 75% des déplacements se font toujours par la route, 13% par le rail. Le Conseil fédéral veut amener ce dernier taux à 19%.